jeudi 31 janvier 2008

Guelma-Saint Gervais, février 1960


Mon père, François Courbon, était militaire de carrière. Il avait fait Saint Cyr en 1933-35. Il était ce que l'on appelait à cette époque un officier "républicain". Curieuse expression, mais qui met bien en évidence que l'Armée avait pû, ou pourrait, ne pas être entièrement au service de la République. Ainsi des dérives anti-dreyfusardes (avant 1914), de l'attirance pour la Cagoule (entre les 2 guerres mondiales) ou de la critique des "politiciens qui nous avaient fait perdre l'Indochine" (après 1945). Issu d'un milieu modeste, ce n'était pas son cas, loin s'en faut.

Je voudrais ici évoquer le milieu du mois de février 1960. J'étais à ce moment-là à Saint Gervais dans un camp de ski du groupe de scouts de Lyon auquel j'appartenais.
Mon père quant à lui, parti servir en Algérie en décembre 1959, avait été détaché près de Guelma fin décembre 59. Il était depuis 2 mois sous la direction du Colonel Goussault, un promoteur de "l'action psychologique", et au sujet duquel un ami de mon père lui rapportait les opinions qui suivent :


"Beaucoup, je le sais, lui reprochent d'être très personnel et n'estiment pas son caractère.

Ses succès et ses qualités le rendent exigeant et difficile à servir
."

Mon père notait sur un carnet ce qu'il faisait au jour le jour, il apparait bien à sa lecture que son colonel voulait "faire du chiffre" comme on dit maintenant. Ci-dessous figure la copie des dernières notes dans ce carnet.


On peut ainsi lire en date du 10 février : "Convoqué Secteur pour opération Désirée. Mécontentement du Colonel Goussault"










Les notes s'arrêtent le 15 février.

Le 18 février 1960 au soir à Saint Grevais, nous mangions quand on m'a dit que quelqu'un dehors voulait me voir. Je suis sorti. C'était le curé de Saint Gervais.
J'ai tout de suite compris. Aux premières paroles embarassées du curé, j'ai demandé s'il n'était que blessé ou mort. Par la suite, nous avons su qu'il avait été tué en essayant de dégager un groupe de harkis (on disait alors "supplétifs") qui avaient été accrochés par des fellaghas.

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