mercredi 29 octobre 2008

Cannaregio par Jacobo de Barbari

J'aime les plans et les cartes. J'aime Venise. Pas étonnant si j'aime les plans de Venise. Et tout particulièrement cette gravure sur bois datant de 1500 due à Jacobo de Barbari :


De dimensions respectables - 134 sur 282 centimètres - on en connait une vingtaine d'exemplaires de par le monde. A Venise, on peut en voir à la Querini Stampalia et au musée Correr qui conserve les 6 panneaux de bois originaux.



Cette gravure est d'une extrême précision, permettant de voir de minuscules détails. A titre d'exemple, cet extrait représentant Santa Maria dei Frari, tiré du site web de l'éditeur "Il Tridente". C'est depuis ce site que j'ai récupéré le plan du quartier (sestiere) de Cannaregio afin d'en faire une petite vidéo que je vous livre ici.


Je l'ai soumise à Lorenzo qui m'a fait l'honneur de la faire figurer sur son site, TraMeZziniMag.

jeudi 23 octobre 2008

Faux RIB et sécurité Internet

Le compte bancaire de Nicolas Sarkozy a été piraté. L'information a été largement diffusée. Ce que le commun des mortels retiendra, c'est qu'avec Internet il est très facile de se faire dévaliser son compte bancaire ; la preuve, c'est même arrivé à Sarkozy.

Ci-dessous les premières dépêches :
19/10
" Des escrocs ont effectué des prélèvements sur le compte personnel de Nicolas Sarkozy après avoir réussi à se procurer les coordonnées bancaires du président français, a révélé le Journal du Dimanche. Il s'agit "d'un classique piratage informatique, sans doute dû à un ou des escrocs de faible envergure", a-t-on précisé de même source. "
20/10
" Le piratage du compte bancaire de Nicolas Sarkozy est un type d'escroquerie "classique et facile à réaliser", selon les policiers, et touche souvent des dizaines de victimes à la fois. "Pishing"[1] (attaque informatique par l'intermédiaire d'un spam) ou "skimming"[2] (piratage de données bancaires) sont en effet, selon ces sources, "en pleine expansion". Dimanche, le secrétaire d'Etat à la Consommation Luc Chatel n'a pas exclu des "sanctions" au sein de la banque s'il y avait eu "mauvaise utilisation des données personnelles".
Cette affaire prouve que "le système de consultation par internet n'est pas infaillible", a-t-il relevé.
Mais le 3ème jour, qu'apprend-on ?
21/10
" Deux Sénégalais ont été interpellés mardi en région parisienne dans le cadre du piratage du compte bancaire personnel de Nicolas Sarkozy et placés en garde à vue à la brigade criminelle à Paris, a-t-on appris de source proche du dossier, confirmant une information de RTL.
Ils se sont servis des coordonnées bancaires du chef de l'Etat pour ouvrir, a-t-on poursuivi, un ou plusieurs abonnements de téléphones portables.
Selon les informations d'Europe 1, c'est grâce à un faux RIB que les deux lignes téléphoniques ont été ouvertes. Un RIB trafiqué : un faux nom avec à l'appui des papiers d'identité, mais avec les vraies coordonnées bancaires de Nicolas Sarkozy. "
En définitive, les escrocs n'ont fait que donner un faux RIB au magasin ! Pour ce qui est des numéros de compte qui y figurent, rien d'indique qu'Internet est la source de la fraude.
Mais, une fois encore, ce que l'on retiendra, c'est qu'avec Internet, c'est facile de s'introduire sur votre compte bancaire !

[1] Le terme exact est "Phishing"
[2] Le "
Skimming" consiste à recopier les informations contenues sur une carte bancaire, dans un magasin ou un distributeur. Habituellement, une fausse carte fabriquée avec ces informations permet alors de retirer de l'argent.

lundi 20 octobre 2008

L'affaire de la Valteline


Nous avons tous le souvenir dans notre jeunesse d'un enseignant remarquable qui nous a marqué. Et aussi souvent celui d'un autre enseignant particulièrement mauvais.
Pour moi, l'excellent et le pitoyable furent tous deux professeurs d'histoire et géographie dans le secondaire, au Lycée Ampère, Annexe de Perrache à Lyon. Google Street qui vient d'arriver en France m'a permis de revoir l'Impasse Catelin au fond de laquelle se trouvait mon lycée.



Il me plait de constater qu'à quelques mètres de là se trouve immortalisé par Google ce graffiti tout à fait contemporain...


Le premier de ces enseignants qui m'ont marqué s'appelait Gaillard. Terriblement handicappé, une tête énorme sur le corps difforme d'un presque nain, obligé de marcher sur deux canes au prix d'efforts qui le faisaient tanguer, il ne suscitait aucune pitié car son autorité naturelle et l'excellence de son enseignement inspiraient un "total respect", comme disent les jeunes d'aujourd'hui. Ses cours étaient passionnants, l'écoute attentive ; et si quelqu'un s'avisait d'être distrait, il avait le chic pour lui lancer un bout de craie à travers la classe, et il se loupait rarement quelle que soit la distance. Quand il quittait le lycée, il se débrouillait pour grimper dans sa 203 Peugeot spécialement adaptée pour lui. Ses jambes étant trop courtes, toutes les commandes étaient ramenées au volant. Et il partait sans mollir.

A l'opposé, j'eu l'année d'après un autre professeur d'histoire et géographie, dont je ne me rappelle pas le nom. Soporifique comme ce n'est pas possible, il était réputé pour poser toujours les mêmes examens. Il suffisait donc de préparer 3 ou 4 sujets, et comme le cours était barbant, on s'occupait en faisant autre chose. Son sujet d'examen favori était "L'affaire de la Valteline" et grosso modo, cette question tombait statistiquement une fois sur deux. Pour ceux qui ne le sauraient pas, la Valteline est la haute vallée de l'Adda, située en Italie à la frontière de l'Autriche. Le Mallet-Isaac de mon époque ne consacrait pas plus de 3 lignes à ce détail de l'histoire de France. Je n'ai trouvé que 24 références dans Google qui évoquent de très loin cette affaire, la plus complète donne l'explication suivante :

" La première crise qu'eut à résoudre Louis XIII, à partir de 1621, concerna la Valteline, une vallée alpine d'Italie qui constituait un lieu de passage stratégique entre les possessions espagnoles du Milanais et celles des Habsbourg de Vienne. La Ligue de Paris réunit la France, Venise et la Savoie, qui cherchaient à mettre fin aux prétentions des Habsbourg comme du pape à contrôler la vallée. Après l'échec de manoeuvres diplomatiques rendues complexes par la multiplicité des enjeux, y compris religieux, le coup de force d'Annibal d'Estrées, marquis de Coeuvres - le père d'une des maîtresses d'Henri IV, Gabrielle d'Estrées - chassa les troupes pontificales de la vallée (1625) et aboutit au traité de Monçon (1626), par lequel l'Espagne s'engageait à respecter l'indépendance de la Valteline. "

Cette année-là, à l'examen, j'ai eu le sujet suivant : "L'affaire de la Valteline". J'avais une heure pour traiter le sujet, j'en ai écrit 4 pages, j'ai eu une note correcte.

Références :
MEMO, le site de l'histoire, http://www.memo.fr.
Google Street : http://maps.google.com

mercredi 15 octobre 2008

Pétaloup (3)

Passées les années d'après-guerre, il me faut attendre 1958 pour retrouver d'autres souvenirs de Pétaloup que ceux évoqués ici. C'était l'année de mon bac, et nous avions décidé avec un voisin à la Croix Rousse à Lyon d'aller y préparer l'examen. Nous y avons passé une dizaine de jours studieux de révisions entrecoupées de balades vers le village pour les commissions.

On y trouvait encore ce pain de seigle rond à la croûte noire et épaisse, il restait frais plusieurs jours. Nous allions aussi à La Chapelle voir mon cousin Claudius - que l'on prononçait Glaudius avec un G - et mon copain Pierre s'amusait à lui raconter des histoires salaces.

Par la suite, étant à l'Ecole des Mines à Saint Etienne, j'avais emprunté la clef de Pétaloup à mon oncle Pierre et j'y étais remonté avec une fiancée de l'époque. C'était une journée froide et humide, nous avions dû marcher sur le chemin trop boueux pour ma 2CV de l'époque. Et un bon feu en arrivant avait été le bienvenu.

C'était en 1961, et ce n'est qu'en 67 que j'y suis revenu avec ma future femme à qui je voulais montrer le berceau des Courbon. L'examen de passage ne fut pas gagné d'avance !
Nous sommes passés voir mes cousins Barrière à La Chapelle. Le Glaudius évoqué ci-dessus dont le bac de lièvre rendait la diction encore plus laborieuse. Nous sommes aussi allés voir son frère Jean, qui était marié et père d'une fillette nouvelle-née. Je me souviens des chiens aboyant après nous malgré les cris de rappel des cousins, des cochons et des poules alentour, de cette maison au sol en terre battue, du fusil accroché au revers de la porte d'entrée, de ce vin de l'Ardèche violacé que nous bûmes.
Bien des années plus tard parut dans "L'Espoir", le journal local, un article intitulé "Le miraculé de La Chapelle". Il y était question d'un homme qui était au bénéfice d'une pension d'invalidité car, le dos cassé, il ne se déplaçait que difficilement, plié en deux. Et voilà-t'il pas qu'il venait de retrouver toute sa mobilité et qu'il se déplaçait maintenant sans aucune difficulté. Et le journal d'évoquer, ironiquement, une coïncidence avec l'âge de la retraite qu'il venait d'atteindre ! Je ne sais lequel de mes deux cousins n'a même pas eu besoin d'aller à Lourdes pour recouvrer la santé...

Un autre saut dans le temps et nous voilà dans les années 90. Nous avions alors logé au Château de Bobigneux, une chambre d'hôtes que je ne peux que recommander[1]. Nous avions trouvé de magnifiques bolets autour de la maison, nous les avons ramenés dans notre chambre, nettoyés, coupés et nous avons commencé à les faire sécher. Par acquis de conscience, j'en ai goûté un cru, comme on le ferait pour un Carpaccio de cêpes. Horreur, ils avaient un goût amer insupportable ! Toute notre belle récolte partit donc à la poubelle, sous les sourires goguenards des gens qui nous dirent que l'on avait à faire à des "bolets amers" ou "bolets des Pins". A cette occasion, nous avions trouvé une maison en très piteux état. Porte enfoncée, ouverte à tous vents, elle semblait un abris pour les skieurs de fond qui suivaient la piste indiquée par des panneaux cloués aux arbres à côté. Des détritus partout et un plancher défoncé qui rendait la circulation malaisée.
C'est à cette occasion que j'avais trouvé et ramené cette plaque tombale que j'ai évoquée dans un ancien billet. La maison de Pétaloup a longtemps été dans l'indivision entre les héritiers de mon arrière grand-père Jean-Pierre, que l'on appelait parait-il "L'Ours de Pétaloup". A la vue de la photo ci-contre, on comprend un peu ce surnom. Il faut dire que son épouse Françoise Croze était morte à l'âge de 28 ans et qu'il lui avait survécu seul dans cette maison jusqu'à 68 ans.
Mon grand-père Gabriel qui habitait rue Arago à St Etienne était celui des héritiers qui s'occupait de cette maison, avec mon oncle Pierre qui vivait à côté. Ma grand-tante Marguerite était elle à Lyon, tandis que l'autre frère, Charles-Joseph, mort au début de la guerre en 1914 n'avait qu'un fils, Jean, qui avait été élevé par sa tante Marguerite, et qui vivait à Paris. C'est donc mon oncle Pierre, auquel ses frères avaient laissé leur part, qui entretenait et occupait habituellement Pétaloup. Ma cousine Annie y était très attachée. Notre cousin Jean ayant les 2/3 de l'héritage - sa tante Marguerite lui ayant laissé sa part à sa mort -, mon oncle Pierre ne put payer le rachat des parts et, la mort dans l'âme, il lui vendit la sienne. Sans occupant pour l'entretenir, la maison de Pétaloup commença à se dégrader pour aboutir à la presque ruine que nous venions de visiter.
En définitive, la maison fut vendue (l'aurais-je su que j'aurais volontiers proposé de l'acquérir...) à un couple dont le mari, maçon de son état, la retapa de fort belle manière. Puis elle fut encore revendue, encore améliorée. Ci-dessous un pêle-mêle des photos des occupants que j'avais prises dans un blog publié par ces derniers, mais maintenant disparu.

[1] Le Château de Bobigneux, 42220 Saint Sauveur en Rue 04 77 39 24 33

vendredi 10 octobre 2008

Le Belize en 24 heures... d'enfer

Si le Mexique et le Guatemala nous avaient enthousiasmés en 1972/73, malgré la mésaventure que je relate dans cet autre billet, le Belize (le Honduras Britannique d'antan) fut pour nous un enfer. Je vous propose une visite en 24 heures chrono, le temps d'y passer une nuit et de fuir en vitesse.

Nous arrivions de Tikal au Guatemala, en camping-car Volkswagen avec nos 2 enfants. Arrêt à la frontière comme il se doit. Ma femme, parlant l'espagnol correctement, commence à répondre à l'officiel qui pose des questions sur nos passeports. Ce dernier s'offusque et exige que l'on parle en anglais. Ce que je fais, non sans difficultés pour comprendre mon interlocuteur dont l'anglais était approximatif. Mais peut-être voulait-il en remontrer à ses adjoints...

Puis départ en direction de la capitale par une route remplie de nids de poules nombreux et profonds. Ce qui nous oblige à rouler à petite vitesse. Des jeunes gens au bord de cette route qui font de l'auto-stop le pouce de la main droite levé, la main gauche tenant une pierre qu'ils nous lancent dessus après notre passage !

Arrivés à Belize City, la capitale, nous nous dirigeons vers le bon hôtel de la ville indiqué dans le guide ; après tous ces jours dans la jungle, nous avons hâte de nous refaire une santé dans un endroit confortable. C'est un hôtel assez british, la dame qui nous accueille regarde de haut ces jeunes voyageurs fatigués et déclare que, non, il n'y a pas de chambre libre.

On se replie sur le second hôtel du guide, d'un genre plus "tropical" quand on franchit la porte d'entrée. Tables et sièges en rotin mal rangés , ventilateur qui ronronne au plafond, un patron vaguement indien mal rasé, un chapeau de paille informe sur l'arrière de la tête. Il nous propose une chambre à une trentaine de dollars. A cette époque et avec notre budget, cela faisait cher, surtout pour un endroit qui nous faisait craindre le pire. On demande à voir la chambre, le patron nous dit "D'accord, mais vous payez avant !"

De guerre lasse, on se met alors à la recherche d'un autre logement indiqué dans le guide ; c'était une dame d'origine espagnole qui, elle, se révéla aimable. Ce fut d'ailleurs la seule de ce séjour au Belize ! On passe une nuit médiocrement installés dans une chambre minuscule : pas question de laisser la porte de la penderie ouverte pour faire le tour du lit... Au petit matin, c'était un dimanche, on aperçoit par la fenêtre des dames noires qui allaient à l'église, habillées de robes mousseuses aux couleurs pastel assorties à de volumineux chapeaux à fleurs. On aurait dit certaines vieilles anglaises, et c'étaient bien à ces dernières que ces mamas souhaitaient ressembler !

Et on réalisait que ce pays était un mélange d'indiens descendants des Mayas, d'espagnols colonisateurs, de noirs issus des esclaves importés de Jamaïque, le tout saupoudré d'anglais habiles à profiter des conflits raciaux. Quand on ajoutait tous les métissages intermédiaires, on aboutissait à une mosaïque où tout le monde semblait se haïr consciencieusement.

On a rapidement quitté Belize City. En demandant la route vers le Mexique à un agent de police, on s'est vu répondre d'aller se renseigner au Ministère des Transports un peu plus loin !

A midi, on était à la frontière du Mexique à Chetumal, avec le sentiment de retrouver, ouf! un pays civilisé.

lundi 6 octobre 2008

Droits d'auteur et vidéos en ligne

Après YouTube, c'est maintenant Google Video qui me censure une vidéo :
" This is to notify you that your video "La Compote de Rhubarbe" from your Google Video account has been disabled because it has been identified by our Content Identification tools as potentially lacking the necessary copyright authorization for use on the Google Video site. "
Ce qui est confirmé quand je regarde mon compte des vidéos que j'ai mises en ligne :


Je vous laisse juge, voici l'objet du délit, sur DailyMotion puisque inaccessible désormais sur Google Video :


Le seul, à mon avis, pouvant réclamer des droits d'auteur, c'est Jean-Pierre qui a fait les images et le texte - je n'ai fait que l'édition vidéo - et je le crédite évidemment dans le générique de fin.

Mais, me direz-vous, et la chanson des Andrews Sisters "Rum and Coca Cola" ? Pourquoi pas... Je regarde dans Wikipedia, le disque original date de 1944 soit 64 ans. Apparemment, les droits d'auteur courrent sur 70 ans, peut-être suis-je donc dans l'illégalité pour quelques petites années...

Nouveau coup d'oeil dans Wikipedia pour apprendre que Rum and Coca Cola est un calypso composé par Lord Invader et Lionel Belasco dans les années 30, je suis sauvé.

Mais je lis un peu plus loin "it was copyrighted in the United States by entertainer Morey Amsterdam". Je n'ai pas la date du copyright du plagiat, mais je retombe peut-être dans l'illégalité.

Pas sûr ! Je regarde ce fameux Morey Amsterdam, figure plutôt originale du showbizz des années 40 et je lis : "Amsterdam lost an eventual copyright suit over the song"! En matière de droits d'auteur que l'on me reproche, cela devient vraiment cocasse.

Google me dis aussi :
" Content Identification is a program that analyzes similarities in audio or video between user videos and a library of reference content provided to us by copyright owners. "
et m'invite, si je conteste ce manquement au respect des droits d'auteur, à envoyer "une demande d'identification du titulaire des droits d'auteur qui revendique des droits sur votre contenu et le titre de son œuvre."

C'est ce que j'ai fait. J'attends.
__________________________
Références Wikipedia :Rum and Coca Cola, Andrews Sisters, Lord Invader, Morey Amsterdam

mercredi 1 octobre 2008

Pétaloup (2)

J'ai déjà évoqué ici la maison de mon arrière grand-père, facteur rural à St Régis du Coin. Nous y allions parfois, mes soeurs et moi, après la guerre vers les années 46-50.


A cette époque-là, nous jouions dans le pré devant la maison, tout particulièrement à côté de la
"boutasse"[1] dans laquelle nous attrapions des tétards dont certains avaient déjà les pattes de leur future métamorphose en grenouilles. La surface de la boutasse était sillonnée d'araignées d'eau qui y évoluaient comme des patineuses sur glace. Parfois, on y voyait un "tique d'eau" monter à la surface puis replonger.

Nous jouions aussi avec des "fers à vaches" que l'on trouvait parfois au détour d'un chemin. Ils s'étaient détachés, par usure, du sabot de vaches car dans ce Mont Pilat d'alors on attelait les vaches pour tirer des chariots. On n'était pas assez riches pour utiliser une paire de boeufs, encore moins un cheval. C'était nos "Playmobils" à nous, on se bâtissait des épopées avec nos "vaches" que l'on baladait dans les anfractuosités du muret en pierres qui séparait le pré de la forêt. On les protégeait du "rachou"[2] qui volait en cercle au dessus de nous en poussant des cris inquiétants.

La forêt était l'endroit où nous n'allions qu'accompagnés de notre grand-père car il était facile de s'y perdre. Les bolets, que j'ai appelés par la suite "cêpes", y étaient nombreux. On les coupait en tranches fines qui, enfilées sur une corde suspendue entre les poutres séchaient et embaumaient la maison.
On en ramenait branchages et "babets"[3] qui brûlaient en crépitant et lançant des étincelles dans la pénombre du soir.
Autre odeur de cette époque, celle des fougères sêches qui remplissaient les paillasses de nos lits dans la pièce au-dessus et qui crissaient à chaque mouvement quand nous nous y endormions.

Il fallait faire près d'un kilomètre pour trouver la ferme la plus proche, à La Chapelle, hâmeau de 3 ou 4 maisons dont celles de nos cousins Barrière. Nous y allions souvent. J'ai le souvenir dans la bouche du "café-crème de la Tantan Judith". On le buvait sur la lourde table en bois avec des tiroirs où les hommes rangeaient leur "bacon"[4] dont ils coupaient de leur Opinel une tranche sur un bout de pain de seigle. Je vois encore le "sarasson"[5] suspendu à égoutter dans un linge. Et dehors l'immense marmite avec du feu de bois dessous contenant les restes de repas et de légumes pour la soupe des cochons qui grognaient un peu plus loin.


Au retour, nous reprenions le chemin encaissé sur les bords duquel se dressaient des digitales que nos parents nous disaient de ne surtout pas toucher, "c'était poison". Par contre, pas de limite au ramassage du serpolet qui, séché, faisaient les tisanes du soir.

La fin de la maison de Pétaloup bientôt...

Références : Les mots utilisés dans ce billet figurent dans le Dictionnaire Général Auvergnat-Français dont l'auteur est un certain Karl-Heinz Reichel (pas un auvergnat pur jus a priori).
[1] boutasse ou boutassà : mare
[2] rachou : buse, épervier
[3] babet ou babê : pomme de pin
[4] bacon ou bacou : lard
[5] sarasson ou sarassou : fromage blanc
& www.lepetitherboriste.net