mercredi 11 mars 2009

"Vierge à l'Enfant avec 6 Saints" de Botticelli

Sandro Botticelli (1445 Florence - 1510 Florence) peignit cette "Sainte Conversation" vers 1470, c'est une peinture sur bois (170x194) qui se trouvait sur l'autel de l'église Sant'Ambrogio à Florence. Elle est maintenant au Musée des Offices de Florence. Elle est l'occasion de voir l'évolution de la peinture religieuse sur moins d'un siècle débouchant sur la Renaissance.


De gauche à droite, on voit Sainte Marie-Madeleine et son flacon à onguents, Saint Jean-Baptiste, Saint François d'Assise et Sainte Catherine d'Alexandrie avec la roue qui fut son supplice. Et devant la Vierge, Côme et Damien, saints patrons des pharmaciens et des médecins, et donc des Médicis.
Notre professeur d'Histoire de l'Art préféré, Pierre M., nous a menés par la main dans la découverte de ce tableau. Côme nous regarde et il nous invite à entrer dans cette Sainte Conversation en passant d'abord par Marie-Madeleine, puis à Jean-Baptiste qui, de sa main, nous montre la Vierge et l'Enfant sur lesquels le regard se porte. Les yeux vont alors vers les deux personnages de droite, et ce parcours circulaire se termine avec Catherine d'Alexandrie dont le regard se pause pour finir sur le spectateur. La tristesse de cette dernière est-elle un présage de la passion du Christ ?
La scène se déroule dans une pièce aristocratique, l'ombre portée de Côme sur le sol et celle sur le marbre qui entoure la Vierge suggèrent une pièce de grande hauteur. Une étude attentive révèle que chaque personnage apparaît dans un cadre que dessine l'architecture de la pièce : on se retrouve donc un peu dans un polyptique dont les panneaux articulés auraient été regroupés au sein d'un seul tableau. Le polyptique de l'art religieux du XIVème siècle laisse la place à la "pala" de la Renaissance...
C'est ce qu'illustre la séquence qui suit de "Saintes Conversations" que Pierre M. nous fit découvrir.

En commençant par ce triptyque de la fin du XIVème siècle due au Maître de Santa Verdiana, caractéristique des oeuvres médiévales et gothiques.

Tommaso del Mazza, (dit Le Maître de Santa Verdiana), "Vierge à l'Enfant Entourée de 8 Anges", fin du XIVème, Musée du Petit Palais Avignon.

Un fond doré qui annule toute perspective, des visages stétéotypés, des personnages dont la grandeur est proportionnelle à l'importance, une juxtaposition des panneaux.

Avec Masaccio (1401-1428), nous sommes encore avec un triptyque, la Vierge est le plus grand des personnages, l'or est encore présent :

Masaccio, "Triptyque de Saint Juvénal", 1422, Cascia di Regello, Florence.

Mais un début de perspective fait son apparition. Ici un peu malhabile, en "arêtes de poisson" : on distingue des diagonales parallèles sur le fond sombre du bas. Elles ont la direction des côtés du trone de la Vierge. Les visages restent conventionnels, mais ils s'humanisent.

Vingt ans plus tard encore, Fra Angelico (1400-1455) propose désormais une "pala" de grandes dimensions (220x227) où l'on trouve Côme et Damien dans la pause que reprendra Botticelli.

Fra Angelico, "Vierge à l'Enfant avec des Saints", 1438-40, Musée San Marco, Florence.

La composition est plus élaborée. Un tapis nous invite à entrer dans la toile, une vaste pièce laisse voir à l'arrière un paysage. La perspective n'est pas tout à fait rigoureuse, mais bien présente.

Avec Filippo Lippi (1406-1469), l'Antiquité, objet de recherche de la Renaissance, fait son entrée.

Filippo Lippi, "La Pala Barbadori", 1437, Musée du Louvre, Paris.

Dans cette Pala Barbadori, l'architecture du lieu prend une place importante. Les visages sont individualisés, et l'on sait combien sont beaux les visages peints par Lippi.

Chez Domenico Veneziano (1410-1461), on atteint le raffinement extrême :

Domenico Veneziano, "Rétable de Sainte Lucie", 1445, Palais des Offices, Florence.

Une perspective très étudiée sur un sol créant un large espace où se meuvent avec aisance les 4 saints, une architecture révélant une profondeur savamment construite, il y a de la virtuosité au service d'une très belle Sainte Conversation.
Et si vous me demandez quelle toile je préfère, de Botticelli ou de Domenico Veneziano, c'est pour ce dernier que je pencherai. Et pas seulement parce qu'il est (serait) né à Venise...

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