dimanche 1 mars 2009

Souvenirs d'enseignant

De Montréal à Genève, le changement fut brutal dans ma relation avec les étudiants.

A l'Ecole des HEC de Montréal, j'étais facilement accosté par un étudiant me demandant " Dis, Jean-Claude, tu pourrais m'expliquer...".
Alors qu'à l'Université de Genève, le même étudiant frappait discrètement à la porte de mon bureau pour me dire : "Bonjour Monsieur le Professeur, pourrais-je prendre un rendez-vous avec vous pour...".

A Genève, j'avais un cours de 1ère année avec près de 450 étudiants, une expérience que certains essaient d'éviter, mais que l'on ne regrette pas d'avoir vécue. Dans mon cas, une douzaine d'années. Le souvenir des lundis matin avec les étudiants tout en haut de l'amphi lisant les résultats de ski ou du Servette dans "La Tribune" ou "La Suisse", les journaux locaux.
Avec un tel nombre d'élèves, on ne voit correctement que les 5 ou 6 premières rangées, et gare à l'enseignant qui perd les pédales devant une telle assemblée. Ce qui fut près de m'arriver un jour où je remarquai vers le 5ème rang bien en face de moi un garçon qui, très discrètement, parlait à sa voisine. Le bavardage n'est évidemment pas inhabituel, sauf que je réalisais tout d'un coup qu'il reprenait pour elle tout ce que j'étais en train de raconter. Un doute m'effleura : étais-je à ce point fumeux qu'il était obligé de retranscrire pour sa copine en langage compréhensible ce que je disais ?... Mais je puis poursuivre tout de même. Et en sortant du cours, je me suis rassuré en me disant que la fille venait probablement du Tessin et qu'il s'agissait d'une traduction en italien de mes paroles. Sans trop y croire...

Et quand il fallait corriger plusieurs centaines de copies, ce n'était pas amusant non plus. Je ne suis pas peu fier à cet égard d'avoir repéré une année parmi toutes ces copies deux qui étaient identiques - même écriture - à la couleur du stylo près. Le copieur, de mêche avec son complice, avait récupéré dans le brouhaha de fin d'examen la copie rédigée par ce dernier et l'avait rendue comme la sienne. Comme une partie de l'examen était un QCM sur une feuille séparée, j'ai pu repérer le tricheur par son QCM médiocre. J'ai voulu le contacter pour qu'il se dénonce et que la sanction extrême ne porte que sur lui. Il était déjà parti en vacances aux Etats-Unis, sa soeur n'a pu l'atteindre. Et l'étudiant "honnête" n'a pas voulu dire qu'il avait effectivement écrit la copie à la place de son "copain". Et donc, dans l'impossibilité de les départager, ils ont tous les deux été exclus pour une année de l'Université. La soeur du tricheur m'avait d'ailleurs dit que ce dernier avait obtenu tous les diplômes de sa scolarité de cette façon, et qu'il n'était pas anormal qu'il finisse par se faire prendre.
J'ai revu par la suite l'étudiant honnête (j'enlève les guillemets !) dans les couloirs de l'Université où il était revenu. Il a balayé mes regrets en me disant qu'il avait passé l'année précédente à l'Université de Lausanne, qu'il ne le regrettait et que cela lui avait appris des choses sur l'"amitié" (il mettait les guillemets !) qui lui serviraient dans sa vie. La classe...

J'ai terminé ma carrière à l'INT. Si je devais garder un seul souvenir d'étudiants, ce serait celui de deux jolies jumelles qui se ressemblaient au point d'avoir eu le même parcours scolaire les amenant dans cette même école de management. Elles étaient brillantes, et continuaient à récolter des notes pratiquement identiques ! Pourtant, chez moi, l'une obtint 19 tant que sa soeur n'eut qu'un 15. Comme je les rencontrais à quelque temps de là, et que je plaisantais sur cette différence, l'une d'elle me demanda : "Est-ce que c'est vous qui faites le cours de deuxième année ?". Et comme je lui répondais que non, elle me dit dans un soupir "Dommage...".

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