dimanche 14 décembre 2008

Le tombeau des Médicis

Le cours d'Histoire de l'Art que je suis cette année porte sur "Florence à la fin du XVème siècle", toujours animé par le sémillant Pierre M. Je vous avais déjà parlé de ce que j'avais appris sur "L'Amour Sacré et l'Amour Profane" du Titien ici, je reprendrai aujourd'hui mes notes de cours sur une oeuvre plus austère, celle du "Tombeau des Médicis" de Verrocchio.

Andrea del Verrocchio (1435 Florence - 1488 Venise) était à la tête d'un atelier réputé à Florence - Léonard de Vinci y fit ses premières armes - et il fut lui-même tant orfèvre que sculpteur et peintre. Travaillant beaucoup pour les Médicis, il réalisa vers 1472 ce tombeau à la demande de Laurent le Magnifique pour honorer son père Pierre (+1469) et son oncle Jean (+1463). Cette sculpture se trouve dans l'église San Lorenzo de Florence, entre la vieille sacristie et la chapelle des Médicis (Côme et Damien) .


Il a fallu beaucoup de talent à Pierre M. pour me faire apprécier une oeuvre qui a priori, pour l'ignare que je suis, avait peu de chances de retenir mon attention. Pourtant, cette sculpture est remarquable à beaucoup d'égards.

Tout d'abord, ce que l'on remarque immédiatement, c'est le mélange des matériaux employés : marbre de Carrare et "pietra serena" associés au porphyre, à la serpentine et au bronze. Verrocchio fut pratiquement le premier à réaliser des oeuvres comportant une telle association. Le soin apporté par l'artiste aux ajouts de bronze témoignent de ses talents d'orfèvre. Il innova également comme sculpteur, de même que Donatello un peu avant, en soulignant le fait qu'une sculpture ne devait pas être vue seulement de face, mais appréciée, et donc conçue, pour un regard qui en ferait le tour. On en a un exemple ici, le tombeau imaginé n'est plus dans une niche, ou contre un mur, mais bien visible des deux côtés du mur séparant sachristie et chapelle.

La grille en bronze de séparation entre parties publique et privée serait-elle celle d'un confessionnal ? Et les Florentins viendraient-ils écouter (voir) derrière elle ce que leur disent (montrent) les Médicis ? Regardons donc...

La guirlande végétale d'encadrement du passage entre les chapelles et la somptuosité des feuilles d'acanthe en bronze aux coins du tombeau symbolisent l'éclosion d'une nouvelle ère de prospérité, grâce en soit rendue aux Médicis...
Les cornes d'abondance ne sont-elles pas l'expression de la richesse que les Médicis apportent à Florence ?
Le tombeau est en forme de reliquaire, ce n'est pas un hasard car la recherche des reliques était importante à cette époque. Il suggère donc l'idée des Médicis comme des "saints laïcs", voire des martyres : l'un d'entre eux ne fut-il pas assassiné lors de la conjuration des Pazzi ?

Le socle sur lequel repose le tombeau nous en dit un peu plus sur la famille :

Les Médicis ne faisaient pas partie de l'aristocratie florentine. Devenus riches dans le commerce et comme banquiers, leurs ancêtres étaient médecins, comme l'indique leur patronyme. Aussi l'inscription "PATRI PATRUO QUE" ("Pères de la Patrie") vise à les élever au tout premier rang.
Ce socle repose sur des tortues, emblème de Côme l'Ancien, le grand-père de Laurent le Magnifique.Festina lente" (hâte-toi lentement), lui qui, premier à accéder au pouvoir à Florence, y arriva en poussant ses pions avec la plus extrême prudence.

Ces tortues font aussi référence à sa devise, "
Le diamant est aussi présent, c'est le symbole de Pierre, le père de Laurent le Magnifique.

Après avoir dit tout cela, on réalise que ce tombeau, dans cette église San Lorenzo, était dépourvu de tout signe religieux ! Etonnant ? Non, puisque en réalité ce que voulait faire les Médicis, c'était à l'évidence de la communication politique.

Mais cela avait alors un autre gueule que le "story-telling" dont nous abreuvent constamment nos gouvernants d'aujourd'hui...
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Images tirées de Web Gallery of Art et The Medici, Verrocchio and San Lorenzo

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